La-Tribune Economique (Semi-conducteurs) – L’Oncle Sam sort une nouvelle fois son carnet de chèques pour relocaliser la production de semi-conducteurs aux Etats-Unis. Cette fois-ci, c’est le géant sud-coréen SK Hynix qui va se voir accorder jusqu’à 450 millions de dollars de la part de Washington pour l’aider à construire une usine de conditionnement de puces électroniques dans l’Indiana.
L’accord conclu avec le deuxième fabricant mondial des puces mémoire offre à l’entreprise 450 millions de dollars de financement direct auquel pourront s’ajouter 500 millions de dollars supplémentaires sous forme de prêts, a précisé le département américain du Commerce dans un communiqué.
L’usine de SK Hynix, installée dans le centre de recherche de l’université Purdue, dans l’Indiana, devrait permettre la création d’un millier d’emplois, a indiqué le département du Commerce. Mais surtout, elle abritera « une ligne avancée de conditionnement de semi-conducteurs ». Celle-ci fabriquera des puces mémoire à large bande passante (HBM) de nouvelle génération, comblant ainsi « une lacune critique » dans la chaîne d’approvisionnement américaine, selon le département du Commerce.
Un fabricant crucial pour le développement de l’IA
SK Hynix, qui domine le marché des semi-conducteurs HBM, est un fournisseur clé de Nvidia, spécialiste américain de puces destinées à l’IA, qui contrôle environ 80% du marché mondial de ce type de puces.
Les « puces mémoire à haute performance sont des composants cruciaux des unités de traitement graphique (GPU) qui entraînent les systèmes d’IA grâce à leur puissance de traitement accrue », a souligné le département du Commerce.
Le PDG de SK Hynix, Kwak Noh-Jung, a déclaré que son entreprise était impatiente d’« établir un nouveau pôle pour la technologie de l’IA » et de contribuer à créer « une chaîne d’approvisionnement plus robuste et plus résiliente pour l’industrie mondiale des semi-conducteurs ».
Subventions en série
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement américain dépense pour attirer un producteur de puces sur son sol. Fin avril, la Maison Blanche avait annoncé que le groupe américain de composants électroniques Micron allait recevoir jusqu’à 6,1 milliards de dollars de subventions de la part du gouvernement fédéral pour construire deux usines de puces de pointe dans les États de New York et de l’Idaho (nord-ouest).
Peu avant, le même mois, le géant sud-coréen Samsung s’était aussi vu accorder 6,4 milliards de dollars afin de construire et agrandir des usines de puces électroniques de pointe au Texas. Auparavant, l’exécutif avait annoncé que le géant TSMC allait recevoir jusqu’à 6,6 milliards de dollars de financements directs et pourra bénéficier de 5 milliards supplémentaires sous forme de prêts. L’entreprise taïwanaise a pour projet de construire trois usines en Arizona, dont l’une permettra de produire des composants avancés.
Et encore avant, Intel, le géant local en la matière, a obtenu la promesse de bénéficier d’un paquet d’aides et de subventions d’un montant inédit de près de 20 milliards de dollars, comme révélé fin mars. L’enveloppe est la plus élevée annoncée à ce jour par le gouvernement américain dans le cadre du Chips Act qui lui permettra de construire de nouvelles infrastructures dédiées aux semi-conducteurs et d’agrandir les existantes dans différents États (Arizona, Ohio, Nouveau-Mexique et Oregon).
Les Etats-Unis veulent redevenir autonomes
Et pour cause, l’exécutif souhaite rapidement résoudre son problème de dépendance aux pays asiatiques en matière de puces.
« Lors de la pandémie, la fermeture des usines de semi-conducteurs à l’étranger a été la cause d’un tiers de l’inflation en 2021, à cause de l’allongement des délais d’attente. Il est hors de question que je nous laisse être vulnérable à l’avenir, nous allons les fabriquer ici aux Etats-Unis ensemble », avait insisté le président américain lors d’un discours.
C’est dans cette optique qu’il a fait voter le « Chips and Science Act », à l’été 2022, prévoyant 52,7 milliards de dollars pour relancer la production de semi-conducteurs aux Etats-Unis, avec l’idée que l’argent public serve de tremplin pour des investissements privés. Pour le président américain, les sociétés qui vont se réimplanter aux Etats-Unis « produiront les processeurs de pointe les plus puissants et les plus sophistiqués au monde ».
Fruit de cet investissement, en juin, la Semiconductor Industry Association (SIA), lobby américain des puces, et le Boston Consulting Group (BCG), ont affirmé dans un rapport que les États-Unis devraient tripler leur capacité de fabrication domestique de semi-conducteurs d’ici à 2032, par rapport à 2022. Un taux de croissance supérieur à ce que l’on observe partout ailleurs dans le monde.
Course mondiale
Reste que les États-Unis ne sont pas les seuls à essayer d’inciter les fabricants de semi-conducteurs à construire leurs usines sur son sol. En témoigne l’annonce faite début avril par la Corée du Sud d’investir 7 milliards de dollars dans l’IA et les semi-conducteurs liés à celle-ci d’ici 2027.
« La concurrence actuelle dans le secteur des semi-conducteurs est une guerre industrielle et une guerre totale entre les pays », a d’ailleurs reconnu, lors de cette annonce, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol.
De nombreux pays ont en effet sorti le portefeuille, à grands coups d’investissements massifs et de subventions, pour stimuler leurs productions respectives. Au début du mois, le Japon a annoncé des subventions – pouvant aller jusqu’à 3,9 milliards de dollars – à une entreprise de fabrication de puces.
De son côté, l’Union européenne a par ailleurs acté à l’été dernier un plan, baptisé lui aussi « Chips Act », qui fixe l’objectif de doubler sa part de marché actuelle d’ici la fin de la décennie. À savoir passer d’environ 10% du marché mondial à 20% en 2030. Elle compte ainsi investir plus de 100 milliards d’euros.
SK Hynix voit ses bénéfices s’envoler grâce à l’IA
SK Hynix a dévoilé, le 25 juillet, ses meilleurs résultats trimestriels en six ans grâce à l’explosion de la demande en intelligence artificielle. L’entreprise, deuxième plus gros producteur de puces mémoires au monde, a publié un résultat d’exploitation de près de 5.470 milliards de wons (3,64 milliards d’euros) au second trimestre 2024.
Le bénéfice net de SK Hynix a augmenté de 115% par rapport au premier trimestre pour atteindre 4.120 milliards de wons (2,74 milliards d’euros) et son chiffre d’affaires a bondi pour atteindre 16.420 milliards de wons (11,01 milliards d’euros), un record trimestriel pour la société. L’entreprise avait annoncé en janvier être repassée dans le vert après quatre trimestres de pertes consécutifs.