BCT : L’IACE s’interroge si l’heure de la baisse des taux a sonné ou pas ?

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La-Tribune Economique (BCT) – L’économie tunisienne a fait face ces dernières années à plusieurs défis, dont le plus marquant a été l’inflation. Celle-ci s’est établi à 5% en septembre 2025 contre 6,7% durant la même période en 2024. L’inflation a atteint son pic en février 2023 (10,4%) pour poursuivre ensuite un trend baissier. Ces chiffres marquent une détente des prix par rapport aux années précédentes.

L’adoption d’une politique monétaire prudente par la Banque Centrale de Tunisie a favorisé le maintien du taux directeur à un niveau stable, de 8% pendant un peu plus de 2 ans (depuis décembre 2022). Il a fallu attendre mars 2025 pour observer une baisse du taux de 50 points de base, ramenant le taux directeur à 7,5%.

Dans ce contexte, alors que l’inflation continue de reculer et que le taux directeur de la BCT demeure à 7,5 %, soit au-dessus du taux d’inflation, l’heure de la baisse des taux n’aurait-elle pas sonné ?

Un examen des tendances mondiales et de la situation nationale nous permettra de dresser un diagnostic des risques inflationnistes.

Une inflation sous-jacente difficilement contrôlable

La composante sous-jacente de l’inflation (hors produits alimentaires et énergie), indicateur de référence des banquiers centraux, est à 5,2 % en septembre, légèrement supérieure à l’inflation globale. L’inflation sur les produits alimentaires libres, quant à elle, a atteint 7,2% au mois de juin 2025, une hausse qui touche 21% du panier du tunisien. Ces chiffres continuent de nourrir les inquiétudes et pourraient amener la BCT à être plus réticente à poursuivre le cycle de baisse du taux directeur.

Une conjoncture mondiale pleine d’incertitudes

Le contexte international est marqué par une grande incertitude, confirmée par l’évolution du World Uncertainty Index (indice mondial de l’incertitude), qui a enregistré une forte progression ces derniers mois. Ce climat s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs, comme les tensions commerciales provoquées par la mise en place des tarifs douaniers adoptés par l’administration américaine, la persistance des tensions géopolitiques, ainsi que le maintien de politiques monétaires restrictives dans les principales banques centrales.

Pour la Tunisie, fortement dépendante de l’extérieur, ces incertitudes mondiales représentent un risque de chocs externes avéré car une nouvelle flambée des prix des produits alimentaires ou énergétiques, provoquée par des tensions géopolitiques ou commerciales, pourrait relancer l’inflation importée.

Une croissance potentielle faible

La croissance économique est de 3,2% au deuxième trimestre 2025, contre 1,4% pour la même période en 2024. La croissance potentielle est, quant à elle, très faible, voire proche de zéro. Un output gap positif, conséquence directe de l’attentisme qui gangrène le climat des affaires expliquant le recul de l’investissement dans une économie qui dispose d’un espace budgétaire

très limité et contraint par la structure rigide de ses dépenses. La masse salariale, le service de la dette et les subventions continuent d’absorber la majeure partie des ressources de l’Etat.

Dès lors, une baisse du taux d’intérêt stimulerait principalement la demande intérieure, sans réelle augmentation de l’offre, puisque les capacités de production sont limitées. Cette demande additionnelle se traduirait donc par une hausse des prix. En d’autres termes, dans une économie à faible potentiel de croissance, baisser les taux d’intérêt créerait davantage d’inflation que de production.

Des pressions sur le dinar

La dégradation des échanges extérieurs, illustrée par l’aggravation du déficit commercial atteignant 16728,3 MDT contre 13497,4 MDT un an plus tôt, exerce une pression continue sur le dinar, qui poursuit sa baisse par rapport à l’euro. Bien qu’une légère amélioration de l’excédent des services ait partiellement atténué cette tendance, le déficit courant continue de se creuser (-1,9% du PIB en 2025 contre -1,2% en 2024).

Cette situation accroît les besoins de financement extérieur et exerce une pression croissante sur la liquidité en devises et, par conséquent, sur le dinar, dont la valeur risquerait de se déprécier. Les réserves couvrent (au 22/10/2025) 106 jours d’importations, un niveau qui appelle à la vigilance et qui met en évidence la fragilité de la position extérieure du pays et sa vulnérabilité face aux chocs externes. Une diminution de la disponibilité des devises risquerait d’accroitre les tensions pesant sur la stabilité du dinar et pourrait fragiliser, à terme, la capacité du pays à respecter durablement ses engagements internationaux.

Ainsi, une baisse du taux directeur risquerait d’encourager davantage le recours à l’endettement pour financer les opérations d’importation. Une dynamique qui conduirait à une augmentation de la demande de devises et exercerait une pression supplémentaire sur les réserves de change et donc sur le dinar. Une dépréciation du dinar qui risquerait de se traduire via le pass-through du taux de change, par une hausse des prix importés, donc par une nouvelle poussée inflationniste.

En somme, il semble encore prématuré que la BCT continue de baisser son taux d’intérêt, malgré les avancées significatives sur le terrain de la maitrise de l’inflation surtout lorsque le projet de loi de finances 2026 débarque avec son cortège de poussées inflationnistes dont au premier rang des mesures, le nouveau round du financement monétaire du budget de l’Etat avec 11 milliards de dinars. Un recours plus musclé à une nouvelle facilité de financement de la banque centrale dans une économie criblée de vulnérabilités devrait plaider pour davantage de statu quo monétaire.