La Banque d’Angleterre est en passe d’entamer un cycle d’assouplissement monétaire

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La-Tribune Economique (Banque d’Angleterre) – De toutes les économies avancées, le Royaume-Uni a connu l’une des pires flambées inflationnistes de l’après-Covid. La Banque d’Angleterre a réagi fermement en lançant un cycle de resserrement des taux d’intérêt à la fin de l’année 2021, au cours duquel elle a augmenté son taux d’intérêt de référence à 14 reprises. Cette série de décisions a porté le taux d’intérêt de 0,10 % à 5,25 %, son plus haut niveau depuis 16 ans, niveau qu’elle maintient depuis août 2023.

Outre ce resserrement substantiel du taux d’intérêt, la Banque d’Angleterre a entamé au début de l’année 2022 une phase de « resserrement quantitatif », impliquant une réduction de son stock d’obligations d’État et d’obligations d’entreprises britanniques. Cette démarche a pour effet de ralentir progressivement l’expansion du bilan mise en œuvre afin de soutenir les marchés financiers et l’activité économique pendant la pandémie de Covid.

Aujourd’hui, après trois années de niveaux d’inflation supérieurs à l’objectif, atteignant même des sommets à deux chiffres au cours du second semestre 2022, la Banque d’Angleterre se retrouve dans un contexte favorable à une nouvelle orientation de sa trajectoire de politique monétaire. Nous estimons que la réunion de politique monétaire d’août de la Banque d’Angleterre marquera le début d’un cycle d’assouplissement monétaire progressif. Dans le présent article, nous examinons les trois principaux facteurs qui étayent nos prévisions.

Tout d’abord, après trois années d’inflation supérieure à l’objectif, la Banque d’Angleterre est parvenue à maîtriser les prix, apportant un argument solide en faveur d’un ajustement des taux d’intérêt. L’inflation globale a atteint l’objectif de 2 % de la politique monétaire en mai, ce qui constitue une condition fortement attendue en vue d’un changement d’orientation de la politique monétaire.

Étant donné que les mesures globales des prix peuvent présenter une certaine volatilité à court terme, les banques centrales surveillent de près les mesures supplémentaires qui révèlent des tendances sous-jacentes et plus persistantes. À cet égard, l’inflation de base représente une mesure clé. En excluant les composantes les plus volatiles, telles que l’énergie et les produits alimentaires, l’inflation de base fournit une vision plus stable et plus informative des tendances sous-jacentes des prix. Les dernières données indiquent des taux d’inflation de base mensuels proches de 0,3 %, ce qui représente une baisse significative par rapport au pic de 0,9 % atteint au début de l’année dernière. Par ailleurs, cette tendance désinflationniste devrait se poursuivre, ce qui pourrait signifier que la Banque d’Angleterre risque de se retrouver « à la traîne» si elle tarde à réduire les taux d’intérêt, car des conditions monétaires trop restrictives pourraient nuire à la croissance économique et générer un environnement où l’inflation serait trop faible.

Par ailleurs, la croissance économique devrait demeurer morose, même si le Royaume-Uni est en voie de redressement après une légère récession en 2023. Au cours du deuxième semestre de l’année 2023, l’activité économique a régressé de 0,4 % pendant deux trimestres consécutifs, en partie à cause de l’impact du resserrement de la politique monétaire. Des signes timides de reprise sont actuellement perceptibles, le PIB ayant augmenté de 0,6 % au premier trimestre 2024. Toutefois, il paraît difficile d’envisager un redressement plus marqué en l’absence d’un soutien politique significatif.

Il convient de préciser que la Banque d’Angleterre soutient que les enquêtes menées auprès des entreprises témoignent d’un ralentissement du rythme de la croissance sous-jacente de seulement 0,25 % par trimestre.  Les indicateurs du marché du travail corroborent également le constat du fléchissement de l’économie : le taux de chômage a augmenté de 0,6 % depuis le quatrième trimestre de 2023. En outre, le ratio postes vacants/chômage, qui mesure les tensions sur le marché du travail, est retombé à son niveau d’avant la pandémie de Covid, ce qui constitue une preuve supplémentaire de l’assouplissement des conditions sur les marchés du travail. De manière plus générale, selon le consensus des prévisions de croissance du PIB de l’enquête Bloomberg, l’économie britannique devrait enregistrer cette année une croissance fragile de 0,7 %. Ce chiffre est nettement inférieur à la moyenne à long terme de 1,5 % et s’avère particulièrement faible après une récession. La faiblesse de la reprise économique et l’atonie du marché du travail laissent présager des perspectives d’assouplissement de la politique économique.

Finalement, les conditions financières ont atteint des niveaux très restrictifs à la suite d’un cycle de resserrement monétaire important. L’indice des conditions financières pour le Royaume-Uni résume de façon pertinente les conditions du marché financier. Cet indicateur intègre des informations sur les taux d’intérêt à court et à long terme, ainsi que sur les écarts de crédit. L’indice a connu un pic au second semestre 2023 et atteint actuellement des sommets qui n’ont pas été enregistrés depuis la crise financière mondiale, dans un contexte de fortes turbulences et d’instabilité sur les marchés financiers qui ont conduit à un gel du crédit et à une crise bancaire. Les taux directeurs élevés et le resserrement quantitatif continueront à maintenir le coût du crédit à un niveau élevé et à retirer des liquidités du système financier à court terme, même après le début d’un cycle d’assouplissement. En effet, les volumes des crédits n’ont cessé de se contracter en termes réels depuis plus d’un an. Plus la Banque d’Angleterre tarde à assouplir sa politique, plus les risques d’instabilité financière augmentent. En d’autres termes, l’assouplissement monétaire s’avère également indispensable afin de réduire la vulnérabilité financière du pays.

Somme toute, nous estimons que la Banque d’Angleterre est en passe d’entamer une phase d’assouplissement des taux d’intérêt lors de sa prochaine réunion, une décision qui devrait être soutenue par une inflation globale inférieure à l’objectif, la stagnation économique et des conditions financières restrictives. Nous pensons que le cycle d’assouplissement sera progressif, à défaut de développements économiques significatifs et inattendus, avec deux baisses supplémentaires de 25 points de base pour l’année en cours.