IACE – 7e Forum de la Gouvernance… Maître Ahmed Ouerfelli décortique les failles de la loi 2005-96 et prône l’indépendance du Commissaire aux Comptes

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  • Loi 2005-96 sur la sécurité financière…

  • Ahmed Ouerfelli décortique 20 ans d’application et plaide pour une gouvernance plus indépendante et numérisée

  • Voire aussi pour une Modernisation du débat judiciaire selon le modèle anglo-saxon

La-Tribune (IACE – 7e Forum de la Gouvernance) – Tunis, le 18 octobre 2025 – En tant que co-rédacteur du projet de la Loi 2005-96 sur la sécurité financière, Maître Ahmed Ouerfelli, Avocat d’Affaires, a livré une analyse détaillée de cette législation lors du 7e Forum de la Gouvernance de l’IACE. Il a souligné que le texte représentait une « avancée évidente » pour le droit des affaires tunisien, mais qu’il nécessitait des mises à jour majeures, notamment pour renforcer l’indépendance et la transparence.

I. Les réformes postérieures : des compléments essentiels à la loi de 2005

Maître Ouerfelli a insisté sur l’importance de deux réformes ultérieures qui ont considérablement renforcé le dispositif législatif initial :

1. L’encadrement du conflit d’intérêts (Loi de 2009)

La réforme du Code des Sociétés Commerciales de 2009 a été cruciale, notamment en matière de conflit d’intérêts. Selon lui, il est illogique d’interdire le conflit d’intérêts, car il fait naturellement partie de la vie des affaires. L’approche législative correcte consiste donc à l’encadrer rigoureusement pour éviter les abus

Le dispositif repose désormais sur deux principes clés :

  • Contrôle Équitable : Le dirigeant en situation de conflit d’intérêts doit veiller personnellement à ce que la transaction soit équitable avant tout contrôle externe.
  • Contrôles Multiples : La transaction est soumise à un contrôle préalable du conseil d’administration, un audit postérieur du commissaire aux comptes, puis une approbation de l’assemblée générale.

2. L’avancée majeure du Registre National des Entreprises (RNE) en 2018

La loi de 2018 instaurant le RNE est considérée comme une avancée très importante. L’avocat a illustré l’urgence de cette numérisation en évoquant le chaos des anciens registres papier (remontant à 1926) :

  • Un risque pénal permanent : Avant le RNE, le greffier, incapable de fouiller l’historique complet des registres pour des sociétés lambda, remettait les registres au demandeur pour qu’il fasse lui-même la recherche d’absence de nantissement. Cette pratique illégale mettait l’agent du registre en risque d’emprisonnement en cas d’erreur ou de fraude.
  • Outil indispensable : Le RNE numérisé est devenu un outil de travail indispensable qui a facilité la vie des avocats et apporté de la fiabilité au droit des affaires.

II. Les failles actuelles et les axes de réforme

Malgré ces avancées, Maître Ouerfelli a soulevé plusieurs points de blocage et de réflexion

  • Défaut de publication des états financiers : Les dirigeants tunisiens privilégient la publication des informations qui leur sont nécessaires (comme la nomination du gérant) et négligent la publication des états financiers au RNE. L’absence de sanction pénale effective fait que ce manquement n’est pas une priorité pour le Ministère Public.
  • Corruption dans le secteur privé non incriminée : La loi contre la corruption a annoncé le principe d’incrimination de la corruption privée, mais aucun texte pénal ne l’a concrétisé, laissant impunies certaines pratiques d’avantages indus entre employés, clients et fournisseurs.
  • Statut et indépendance du CAC (Commissaire aux Comptes) :
    • Critères de désignation : Le critère lié au nombre de salariés est devenu obsolète après la loi obligeant l’intégration des sous-traitants, forçant des entreprises à nommer un CAC du jour au lendemain sans réel changement d’activité.
    • Rotation et Conflits Postérieurs : S’inspirant des règles d’arbitrage (où l’arbitre doit observer une distance de 3 ans avec la société), Mtre Ouerfelli propose de réglementer la relation post-mandat du CAC (ex : interdire qu’il devienne immédiatement consultant rémunéré) pour améliorer son indépendance.
    • Choix par Short List : Il dénonce la pratique consistant à ne présenter qu’un seul nom de CAC à l’assemblée générale et propose d’imposer une liste restreinte (short list) de trois noms pour permettre aux actionnaires d’exercer librement leur choix.

III. Vers une Modernisation du débat judiciaire selon le modèle anglo-saxon

L’expert a conclu sur une proposition de réforme procédurale majeure pour encadrer l’expertise, souvent utilisée de manière excessive par les juges tunisiens :

  • L’interrogatoire par les parties : La loi de 2009 a introduit une disposition permettant l’interrogatoire direct de la partie adverse dans certains litiges, une innovation largement méconnue.
  • Nécessité de confrontation : M. Ouerfelli prône l’adoption du principe anglo-saxon : l’expert, après avoir rendu son rapport, doit être interrogé directement par les parties (avocats) et non uniquement par le juge. Les parties, connaissant l’historique et les enjeux du litige mieux que le juge, sont mieux habilitées à poser les questions pertinentes pour vérifier la fiabilité du rapport.

En définitive, Maître Ouerfelli a salué la technique législative de la Loi 2005-96, qui est une loi horizontale ciblant une problématique plutôt qu’un seul code, une approche qu’il estime efficace pour les futures réformes.

Maître Ahmed Ouerfelli en Vidéo :

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